Des gouttelettes de rosée s’attardent en ce petit
matin d’automne ; la brume peine à se dissiper. Brève discussion, notre
histoire si vite effacée ! Je me retrouve seul, sur ce banc, dans ce parc
immense. Elle a oublié ses gants… Tout un monde de souvenirs afflue.
Les
gants, compagnons de mon enfance
Je revois
Les
gants si blancs de Tantine, assise religieusement sur les bancs de l’église -
les sermons dominicaux : figure de circonstance et somnolence assurée ;
ma tante me gourmandait !
Le beau
sourire de ma mère quand je soufflais sur cette mousse généreuse qui
envahissait l’évier - la vaisselle attendait patiemment le coup de main de ses
gants roses en caoutchouc - tache et tâches récurrentes !
Le
regard généreux de mon père - notre royal jardinier, vêtu de sa panoplie
complète : sabots, tablier et gants verts, qui avait une patience et une foi inébranlable en son
garçon, incorrigible ignorant, arrachant en aveugle les bonnes comme les
mauvaises herbes.
Le
petit garçon que j’étais, avec ses joues rouges, son nez gelé, rentrant le cœur
joyeux à la maison après d’inoubliables batailles de neige - à l’époque, je
ressemblais au célèbre Bibendum, mes gants n’avaient qu’un pouce - bien
suffisant !
Les
manicles grises de mamie-gâteaux, sortant du four de véritables délices - ses
yeux pétillant de bonheur en me regardant les engloutir - une odeur si familière
envahissait sa cuisine - j’étais l’enfant-roi !
Les
gants, confidents de mon adolescence
Me revient en mémoire
Cette
gêne : complexé, par mon visage d’adolescent éternellement printanier avec
ses bourgeons des quatre saisons, je passais en douceur ce gant de toilette
espérant me libérer de cette floraison quotidienne - le reflet du miroir
demeurait sans pitié - traumatisant !
Cette
timidité durement combattue : m’affirmer était devenu une évidence - à la
salle de sport, je croisais les gants - 6 onces de fierté !
Ce
trouble charmant : oh, Noémie !! Sa voix gracile, sa bouche mignarde
et ses gants argentés, parfumés « à la frangipane » - je fleurais ses
doigts - je savourais nos instants gourmands - envoutants
souvenirs d’une essence oubliée !
Les
gants, compères à l’âge adulte
J’ai rêvé
D’être un athlète - la musculation fut souvent
ma favorite, courtisant mon corps patiemment - les mitaines ne m’ont pas lâché
pendant longtemps, les douleurs non plus J
J’ai frimé
Gants de cuir et lunettes noires - une coupée
sport et THE MEC, moi !
Je me suis abandonné
Quand elle se déganta, éployant sa grâce
naturelle, le tombé langoureux de la fine dentelle noire m’a retourné… comme un
gant !
J’ai officialisé
Amour passionné, partagé - armé de gants
beurre frais, comme il se doit, au père, je demandais la main de sa fille - d’un
chevaleresque !
Je me suis aventuré
Nous gommions les fatigues quotidiennes - gant
de crin pour sa peau douce - tendres frictions !
Je
reste là, hagard, le regard perdu.
Je
n’ai pas compris son lacis de reproches embrouillés.
Elle
m’a quitté, n’a pris aucun gant.
Hélène mariau