Monsieur d’Argencourt - Monsieur de la bourse vide (Argent court), grand
écumeur de table, censément fort-en-mie (homme très gras), aime la bonne
chair. Erreur orthographique ! Vous
n’êtes pas sans savoir qu’il aurait été plus juste d’écrire aime la bonne
chère ; confusion futile quoi qu’il en soit car tous les plaisirs siéent à
ce monsieur. N’évoquons point pour lui, un autre homonyme, toute éloquence de
la chaire serait une voie abstruse.
Lors d’une invitation chez les Lachapelle, maison hospitalière, dont monsieur
d’Argencourt est commensal,
je le vois, attablé, bien calé (comprenez bien installé, et non bien
rempli !), sans voix mais bouche béate d’admiration devant des mets multicolores
qu’il mange déjà des yeux ... les yeux du bouillon pour plus tard. Il se sert très
copieusement de tous ces avant-coureurs de vin (citation de Rabelais). Ses voisines
gloussent, potinent, (ôtez la terminaison du verbe et vous devinez leur humeur
babillarde). L’une d’entre elles souffle à son amie : « on lui a fait
manger des oublies ». L’utilisation au sens propre et figuré de oubli-e,
entendez le verbe oublier et le gâteau une oublie, dissimule une raillerie dans
une conversation anodine. La locution signifie : « On a oublié
de lui donner à manger ». Pour autant que je sache, ce brave d’Argencourt est
bâtit sur le devant ! Belle métaphore immobilière issue de nos
ancêtres !
Son appétit naturel s’accommode avec
un appétit sensible au désir. Il dévore autant son repas qu’il ne bade sur une
demoiselle, au prénom séducteur à souhait, Bella-rosa. Jolie comme une fleur,
il est disposé à l’accueillir – la cueillir. En dépit de cette bien veillance,
« Il est auprès de cette belle comme le
bénitier est dans l'église, près de la porte et loin du chœur »…
cœur ! (Proverbe français). Agacée par ces clins d’yeux déplacés, ces
sourires visqueux, Bella-rosa trouve un faux prétexte - qu’il est maladroit de
ma part d’employer l’adjectif faux, je frôle le pléonasme, un prétexte suffit
pour laisser D’Argencourt en plant. « Je vais au cent » dit-elle, ce
qui oralement prête à confusion, sang, cent ou sent. Pour vous cher lecteur ce
qui convient à cette expression populaire est le mot tel qu’il est écrit …
cependant, tout un chacun peut flairer une association d’idées odorantes entre
sent et cent, le numéro cent correspondant en effet aux lieux d’aisance.
Déconfit,
monsieur d’Argencourt ? Des confits graissent en un clin d’œil son
assiette, un onctueux dictame. Il saupoudre sa viande nonchalamment.
Bella-rosa est derechef importunée. Jean, un
égrillard, à senestre, s’est égayé auprès d’elle au point de s’égailler dans un
discours certes amphigourique mais suffisamment suggestif. Il n’a pas bu que du
vin de M. du puits. La charmante lui en a donné dans l’aile, il est près de
sacrifier à Vénus et même très prêt. Oh ! Faire la volonté de Vénus (vous
le savez déesse de l’amour) un trop grand sacrifice pour Bella-rosa ! Les
offrandes attendront. Pas de sceptique dans l’assistance ! Aucun ne doute des
pensers licencieux de ce malfaisant – un « mâle faisan » piètre volatile,
noblesse d’une basse-cour ! Personnage septique, semeur de grossièreté se
voulant d’une imagination luxuriante et luxurieuse, contaminant l’atmosphère
d’une vive concupiscence !
« Un intermède - bouffe » met fin à la
comédie pitoyable de « Jean - bête » Bella-rosa. L’éruption de colère
de Bella-rosa est contenue par l’irruption dans la salle de monsieur Sans-Gêne
(les perturbations diffèrent selon le préfixe !)
Monsieur Sans-Gêne, roi de la tartitude, habillé de
pied en cap et en cape a le verbe haut. Tartitude, un maître de la
cuisine ?, pas du tout, un retardataire. Il s’abouche dès son arrivée avec
les autres convives, coupe la parole. Les conversations s’émiettent. Peu lui
chaut ! Il s’incruste dans un échange conjugal sur l’adultère. Il baille sa
définition : « L’adultère rapproche une moitié d’un tiers »
– l’absence d’accent sur le verbe est volontaire, monsieur Sans-Gêne ne bâille
pas, est même bien éveillé – sa réflexion ne manque pas de sel !
Monsieur est dans les mathématiques souligne Amour
de La Fontaine, une dame d’un âge certain. Elle est dans les L – la cinquantaine !
Amour de la Fontaine, de paroles affables – à fables vous l’aurez bien compris
- conte avec bonté. Son histoire préférée : Le corbeau et la corbeille, un
couple d’oiseaux rareJ. Le
récit animalier serait plus pertinent avec une corneille. À moins qu’il ne
s’agisse d’un corbeau, sombre maitre chanteur (drôle d’oiseau, lui aussi)
distribuant une corbeille de manuscrits mensongers, infâmes, à toute volée. Mon
imagination s’égard : la fabulation ou l’affabulation ? Au temps pour
moi !
Monsieur de La Fontaine peu attiré par le fabuleux
- un comble peut-être - et peu enclin à écouter sa femme, très agité,
explose : « De la bourrache ! ». Tous se taisent et chacun se
tâte – n’y voyez aucune familiarité - . Il règne une palpable confusion, pourquoi
monsieur de la Fontaine a soif de plante médicinale ? Il ne nage pas en
eaux troubles, La Fontaine est toujours claire ! J Monsieur pratique l’argot du 19 ème
siècle : les plantes de bourrache étant sudorifiques, c’est une manière
courtoise envers sa femme de lui dire : «Tu me fais suer ! ». Quel «
bouillon de culture ! »
Un rire rafraîchissant inonde la pièce. Monsieur Sans-Gêne
dévisage sans pudeur son auteur et assure « elle a du lait sous sa
chemise ». Vu le léger embonpoint de cette jeune dame, tout le laisse à supposer.
Mais, est-elle en grâce ou grasse à ses yeux ? Est-ce du
« lait » ou du « laid », l’oral est parfois si inoffensif !
La plupart d’entre nous le pensent « On n’est
pas louis d’or », on ne peut pas plaire et faire plaisir à tout le
monde !!
Un petit dialogue impromptu aborde les prémices d’une
logomachie. Nul n’entendit les prémisses !
« Allumer
la lumière ! Un nom de trop, chère madame, allumer se suffit amplement à
lui-même.
- Monsieur,
par bienséance, je n’ai point relevé vos dires tels que « les délices
interdits », rétorque avec habileté cette chère madame.
- (Furieux) Comment ? Vous aimez à
railler !
- Simple tromperie de genre, le vôtre est
fluctuant. »
Monsieur s’estime beaucoup et se croit
insolenté ; il ne croît cependant pas en sagesse et réfute :
« Comment osez-vous blesser, blâmer, humilier,
mortifier - quelle amplification ! - mes ancêtres et moi-même ! Genre
fluctuant !!? Je suis un homme, madame, et fier de l’être ! Je vous
baise les mains ! »
Un
baisemain ? Un retour de galanterie ? Non, un brin d’ironie : sur le ton plaisant,
monsieur signifie à madame qu’il n’est pas de son avis.
Nonobstant l’outrance des opinions de ce monsieur,
madame reste coite. Fine, adroite, elle argue :
« Sans dessein de vous nuire, sachez au moins que le nom délice se
transforme au pluriel, il est du genre féminin. Vous êtes tombés simplement
dans le lacs (avec s, oui !) Je ne prête, moi, à personne de mauvais
genre. »
Monsieur se tait, c’eût été inélégant d’insister.
Monsieur d’Argencourt chante à brûle-pourpoint et
attiédit les sentiments exaltés. Ce chanteur fertile donne un champ libre à son
imagination.
À la vue du bœuf, il rebat les oreilles des
convives de la chanson de Malbrough s’en va-t’en guerre : « mironton,
mironton… » Heureux d’Argencourt, le bœuf c’est miroton !! Ne soyons
pas trop moqueur, après l’apéritif, il n’a pas baptisé son vin, au
contraire ! Maintenant on lui
apporte une bière… (Une boite à feu !?)… trop de pression, mauvais présage,
il tombe dans les pâmes - je préfère cette expression vieillie, je laisse de
côté les pommes, pour le dessert ! Il s’écroule sur la table, victime d’un
trou noir troublant… (Il faut savoir trou noir ou blanc)… On s’occupe de lui en
grande pompe, le funèbre de la situation oblige. Sa voisine, Sibylle,
d’inspiration divine, s’inquiète de la levée du corps. Il respire, elle
souffle ! Elle n’a nullement l’intention de reprendre le rôle originel de
croque-mort, somme toute original ! Ah ! Que nenni ! Sans
façons, retirer les pompes d’Argencourt et lui mordre le gros orteil. Bon
appétit ! J
Sur les convives, un silence indigeste déteint…
des teints… divers…d’hiver, tous nivéens trahissent leurs émotions. Elles se
colorent de soucis, de pitié, parfois de curiosité. Les mots alimentent les
conversations.
Monsieur d’Argencourt se redresse, la chevelure
hirsute - Quel « Épi-Tête ! » - (hirsute est une épithète, alors j’ai
osé !J)
Sibylle a l’air soucieux, ne sait pas ce qu’il faut
panser – penser ? Monsieur d’Argencourt a comme mangé de l’endormi, et a
du mal à se réveiller. Belle avaloire ! Un avaleur de pois gris ! Il
appert que la gourmandise et la gloutonnerie associées troublent les esprits.
Les derniers hôtes remercient les maitres de
maison. Ces invités finaux (finauds aussi !) s’empressent de soulager -
pas le portefeuille - les inquiétudes de monsieur d’Argencourt. Sait-on
jamais : « La fortune vient en dormant. » (Cornélius Nepos).
L’incident ou accident - selon les dommages - de monsieur d’Argencourt laisse sur leur faim
– leur fin (dommage ! Fin de soirée !) les hôtes ; le dessert
est inconsommé.
Indulgent lecteur,
Je suis un ver-coquin, agissant selon ma fantaisie,
mon petit grain de folie, mettant en lumière quelques-unes de ces confusions,
de ces expressions surannées et quelques-uns de ces jeux de mots, richesses de
notre langue. À l’envi de s’amuser et d’éclairer notre lanterne.
Dans cette galerie de portraits, la gente masculine
apparaît comme des étrons. Loin de moi l’idée d’une généralité prenant sa
source dans ces cas particuliers, ce texte n’est pas une synecdoque.
« L‘exemple souvent n’est qu’un miroir trompeur » Corneille
Hélène mariau
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